vendredi 6 mai 2011

C'est ma tournée

Alors que les jours sont mornes, que l'on fête la mort de Brassens que la majorité de la chanson française s'évertue à pondre de la poésie à base de "l'eau de tes larmes avait un gout de mer", "tu es le soleil qui m'illumine" ou encore "toi + moi + tous ceux qui m'ont filé du blé", il existe encore quelques indestructibles combattant oeuvrant pour le texte, et il faut les en remercier, surtout quand ils passent sur scène. Au passage, j'espère que vous appréciez les extraits du futur album de Obispo. A moins que ce ne soit Pagny?

Well, en guise de nouvelle chanson française, Il me semble que François Morel, Sanséverino, Juliette ou encore Thomas Fersen guident un peu la barque. C'est à dire, des gens qui cachent difficilement leur cinquantaine... Est ce une raison pour leur en vouloir? Certes non, les bougres tenant sur scène plus longtemps que les petits jeunes.

Prenez Sanseverino par exemple. Deux heures de concert accompagné d'un contrebassiste alors qu'il s'active à la guitare et aux pédales en guise de batterie. Deux possibilités: soit les musiciens prennent des cachets de plus en plus cher, soit le bonhomme à de l'énergie à revendre. En ponctuant ses chansons de remarques pas toujours très polies sur le président, le nucléaire, le SAC, ou encore les abonnés des théâtres, le petit Stéphane rappelle ce que c'est que mettre l'ambiance sans chanter des conneries. C'est tout à son honneur.


Mais alors, forcément, il faut en passer par une drôle de chose. Le cas Thomas Fersen. Celui-là ne passe pas à la télévision, presque pas à la radio, mais se retrouve disque d'or systématiquement et comme par enchantement. Je suis au paradis, dit-il dans son dernier album. On comprend mieux pourquoi la foule le suit en concert.

Petite précision: le constat suivant est fait après deux concerts de cette tournée (et quelques autres avant mais chut). Il nous parle de tueurs, de monstres, de vampires, mais difficile de ne pas voir en lui un envouteur. A la cigale, dès la fin de la première partie, la tension monte. Des applaudissements fusent, fuites incontrôlables. Ils continuent, s'accélèrent, on tape du pied. les roadies vérifiant les derniers réglages sont acclamés joyeusement. Les rideaux s'ouvrent, laissant place aux instruments: à gauche, on retrouve les guitares de Pierre Sangra, le fidèle. Derrière, c'est la batterie de Christophe Cravero, le multi-instrumentiste, d'habitude derrière les claviers, le violon ou la guitare (oui, tout ça). Comme il ne peut pas s'en empêcher, il a aussi un petit clavier près de lui. A droite, au fond, on trouve une estrade, où Alexandre Barcelona, "le rossignol de Santander" officie à l'orgue et à l'accordéon. Une place encore, pour le violon de Véronique Mafart, seule nouvelle venue de la bande. Et au centre... un piano géant, dont la queue démesurée nous rappelle que Fersen nous entraine dans un voyage aussi romantique que fantastique. Des tentures blanches encadrent la scène. Un dernier arrivant, enfin: le Ukulélé.Il est acclamé.



Une musique romantique se fait entendre, et imperceptiblement, les lumières s'éteignent. Le public trépigne. Alors, un orage se déchaine, nous ne sommes plus dans une salle de spectacle mais dans une forêt, sous la pluie. Un homme s'approche, sous un parapluie. Un petit coin de paradis pour un coin de parapluie? Acclamé, Fersen nous conte une mésaventure facheuse, une mauvaise rencontre dans une auberge, une femme qui en veut à sa vie. Les musiciens se placent, le publie écoute, religieusement. Dès la fin de l'histoire, "Barbe bleue" entre en scène, puis "Dracula".



L'ambiance est posée... pas pour longtemps, car le Ukulélé est saisi immédiatement. Fersen nous bénit avec, fameux goupillon. Le public reprend en choeur les classiques, "le chat botté", "saint Jean du doigt", "croque", "la chauve souris". De nouvelles chansons s'introduisent dans cette suite, "les loups garous" rejoignent déjà le panthéon. Se calmant un peu, Fersen nous conte l'histoire de Billy the kid, déjà présente sur la tournée précédente mais écartée de l'album (on se demande pourquoi). Seul sur scène, il nous narre aussi l'histoire du dresseur de lion (Ces bêtes là, on s'y attache /  faut respecter leur territoire / faut pas leur tirer les moustaches / ni leur mettre un suppositoire).




Les nouveaux thèmes de l'ami Fersen s'installent, eux aussi. "L'enfant sorcière", conte plein de mystère, enchante autant que "Une autre femme", histoire de momie égyptienne recomposée. Dans un cas comme dans l'autre, l'écoute est attentive. Si l'on connait la fin grâce au disque, la conclusion fonctionne encore toujours: la vieille momie égyptienne / c'était le clou du cauchemar / elle s'appelait madame Lucienne / elle était née à Clamart.





Le public étant sous le charme, c'est Félix qui fait son apparition. Au refrain repris en coeur par le public, Le maitre de cérémonie rétorque "non, c'est moi qui jouis". Réclamant ensuite un baiser dans une chanson aussi inédite que déroutante, il se fait encore vieillard et séducteur (dis moi ma petite Agnès / pour le qu'en-dira-t-on / je t'appellerais ma nièce / tu m'appelleras tonton), et nous propose d'aller nous coucher. le "Non!" est catégorique. "Qui parle de dormir?", lance-t-il goguenard. Mais même pour ça, on ne le lâche pas. Alors, il faudra aller jusqu'au bout, jusqu'aux "malheurs du lion", traditionnelle chanson finale. "Vous connaissez la fin?" les habitués répondent non, pas dupe, car un oui serait récompensé d'un "alors on s'en va". On connait la fin mais aussi la farce. 

ce n'est pas assez, il faut revenir, encore. Alors, Fersen relance l'orage du début, prend sa baguette magique et dans un nuage de fumée, disparait. Et nous sommes heureux. On a mal aux mains, mais de façon heureuse.



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